vendredi 28 septembre 2012

Moonrise Kingdom

Réalisateur: Wes Anderson
Année: 2012
Nationalité: États-Unis

Présenté en ouverture du dernier Festival de Cannes, Moonrise Kingdom demeure à ce jour mon gros coup de coeur de l'année. Confirmation après re-visionnage du fait de la sortie DVD il y a quelques jours. 


Été 1965 au large de la Nouvelle-Angleterre. Le jeune Sam, orphelin et scout entrainé, et Suzy, une ado rêveuse et incomprise de ses parents, entreprennent de fuguer et de parcourir l'île tous les deux; une fugue planifiée pendant toute l'année qui a suivi leur coup de foudre un an plus tôt. Les adultes et les autres membres du camp scout vont tout mettre en oeuvre pour retrouver les deux tourtereaux bien décidés à vivre leur amour naissant malgré les interdits et la tempête approchant.

Un scénario très simple donc mais sans aucun doute une douceur et une poésie qui s'en trouvent décuplées. Cette romance naïve à la fois si légère et si sérieuse nous transporte dans un univers candide et drolatique, sorte de E=MC² mon amour - le roman de Patrick Cauvin - sur fond de Guerre des boutons. Dans ce décor où les adultes semblent plus irresponsables que les enfants et répondent à une appellation générique ( Tilda Swinton dans le rôle de "Services Sociaux"), la passion de ces pré-adolescents qui s'éveillent à la sexualité avec une maturité déconcertante mais aussi une naïveté folle, se développe au gré de ce périple plein d'astuce. Ici les enfants sont rois et rien ne pourra les arrêter.


Servi par un casting radieux - Edward Norton, Bruce Willis, Bill Murray, Frances Mc Dormand et l'habitué des films de Wes Anderson, Jason Schwartzmann, le film repose également sur la performance de ses enfants. Qu'il s'agisse du couple Sam/Suzy ou des "Kaki scouts", Moonrise Kingdom parvient à mettre en avant le talent des bambins sans chercher à les réléguer au second plan derrière ses acteurs chevronnés comme le laissait supposer le générique. Il est en effet rare de voir un acteur débutant crédité avant un acteur accompli même si ce le rôle de ce dernier est moindre. Ici, les grands sont secondaires, tout comme le réalisme des décors.

Car oui, il s'agit d'un film de Wes Anderson (Fantastic Mr Fox, la Famille Tenenbaum, A bord du Darjeeling Limited...) et tous les codes de ce genre qui lui est propre sont réunis: travellings latéraux, plans ultra symétriques, couleurs filtrées etc... les décors ont l'air d'être en carton-pâte et le choix est assumé. On ne cherche pas à être réaliste, à l'image de ces couvertures des livres fétiches de Suzy, inventées de toutes pièces. On baigne dans le monde de l'enfance, de l'imaginaire et de la poésie, on renoue avec l'enfant qui est en nous. Au fond, cette réplique de Sam suffit à synthétiser ce bijou: "Poems don't always have to rhyme, they're just supposed to be creative".

Note: 5/5

lundi 17 septembre 2012

Un monstre à Paris

Réalisateur: Bibo Bergeron
Année: 2011
Nationalité: France

Aujourd'hui je suis malade, et donc comme d'habitude dans cette situation, le programme c'est films d'animation sous la couette. Pour une fois j'ai décidé de regarder autre chose qu'un Disney/Pixar ou un Dreamworks et c'est sur Un monstre à Paris que mon choix s'est porté.


Très bonne surprise que ce dessin animé en images de synthèses qui devient, avec Fantastic Mr Fox de Wes Anderson, mon coup de coeur dans la catégorie des animés découverts cette année. Éric Bergeron dit "Bibo", passé par la maison Dreamworks et à qui l'on doit La Route d'Eldorado et Gangs de Requins, réalise ici avec son propre studio et la complicité du scénariste Stéphane Kazandjian un long-métrage au contexte original d'une grande poésie:

Dans le Paris de 1910 qui voit la Seine en crue, Émile, projectionniste de cinéma, et son ami Raoul, un livreur excentrique, sont les auteurs malheureux de la création accidentelle d'un monstre: une puce géante qui va terroriser la Capitale. Créature incomprise à la voix mélodieuse ( et pour cause, c'est Matthieu Chedid alias -M- qui double la bestiole !) et au comportement très humain, elle est recueillie par une jeune chanteuse, Lucille, dont les charmes ne laissent personne indifférent. Convoitée par le Préfet Maynott qui veut prouver aux habitants de Paris qu'il peut les débarrasser du monstre, son amitié nouvelle avec la puce surnommée Francoeur ne va pas être vue d'un très bon oeil. Avec la complicité d'Émile, Raoul et de leur singe Charles, elle va tout faire pour la protéger.


Il y a donc du Fantôme de l'Opéra et du Moulin Rouge! dans le scénario, ce dernier lui-même inspiré de la Dame aux Camélias d'Alexandre Dumas, mais il y a aussi une force réelle qui est propre à ce film et qui vient, bien sûr, de la musique. Certes, une ou deux chansons de plus auraient été plaisantes et on regrette un peu cependant que le film soit resté à la surface du personnage de Francoeur dont la relation amicale et artistique avec Lucille aurait pu être approfondie.. mais réjouissons-nous, avec -M- aux commandes de la bande son et la jolie voix de Vanessa Paradis pour doubler Lucille, Un monstre à Paris devient un véritable petit bijou animé ...


Note: 3/5

dimanche 2 septembre 2012

We need to talk about Kevin

Réalisateur: Lynne Ramsay
Année: 2012
Nationalité: Royaume-Uni

Qu'on se le dise, ce film est impressionnant. Ce thriller psychologique mettant en scène Tilda Swinton et Ezra Miller promet d'occuper mon Top 100 pendant un certains temps. 

We need to talk about Kevin nous conte les méandres d'une mère qui se bat pour créer des liens avec son fils qui, dès l'enfance, présente tous les symptômes de la psychopathie. Le film alterne la vie présente de cette femme qui tente de se reconstruire après que son fils ait commis l'irréparable, et son passé, l'éducation impossible de son enfant et l'aveuglement de son mari. 


Présenté à Cannes en 2011, la critique avait parié sur un prix d'interprétation pour Tilda Swinton au sommet dans ce rôle de femme soumise. Ce sera finalement Kirsten Dunst qui décrochera ce titre prestigieux pour Mélancholia. Soulignons aussi le talent de Jasper Newell et d'Ezra Miller respectivement dans les rôles de Kevin enfant puis adolescent dont la performance n'a strictement rien à envie au Joker d'Heath Ledger.
Le génie de Lynne Ramsay est là: amener le spectateur à faire preuve d'empathie pour cette pauvre femme qui se bat pour comprendre son fils alors que, justement, son entourage ne perçoit pas sa détresse. Et il y a ce titre " Il faut qu'on parle de Kevin", comme un besoin inavoué, une discussion qui n'aura jamais lieu et conduira tragiquement au massacre. C'est surtout à la réalisation qu'on doit cette manifestation d'empathie: lente et violente, comme la révélation du plan effroyable de Kevin. Le film s'ouvre sur une scène extrêmement colorée: des corps s'entrechoquent, on ne sait si on a affaire à une émeute ou une scène de liesse, un rituel de renaissance. Tout le film est basé sur l'omniprésence de la couleur rouge, lourde de symbolique et agressive à l'oeil, aussi bien dans la lumière que les décors. La réalisatrice s'attarde aussi sur ces petites manies du quotidien dont on ressent immédiatement la douleur et le dégout. Un tel souci du détail que voir quelqu'un se ronger les ongles ou un pan de poster décollé du mur devient un supplice et on comprend cette femme qui en arrive à écouter les bruits d'un marteau-piqueur tellement les cris de son bébé sont insupportables. 


La vue, l’ouïe, le goût et le toucher; presque tous les sens sont démultipliés. On en devient maniaque, à la limite de la névrose. C'est donc un film basé sur une psychologie fine et juste et dont la première réussite fut d'avoir su suggéré assez d'éléments pour être explicite sans pour autant montrer des évidences qui viendraient alourdir le tout, car la condition de Kevin, on la devine mais on ne met jamais le mot dessus. Peu de dialogues donc mais une mise en scène complète et virtuose.

Note: 4,5/5